Drôle de rentrée en septembre 2018 pour les élèves de seconde. La réforme du lycée est en marche et les voilà, fraîchement diplômés, leur brevet en poche, pris dans le tourbillon des changements de programme. Encore une réforme après celle du collège !
Le lycée, tout le monde en parle depuis longtemps. On dit qu’il n’est plus adapté aux demandes du supérieur, qu’il faut rééquilibrer les filières, moderniser, « remuscler » les formations et qu’il est trop compliqué avec toutes ses voies, ses séries, ses options optionnelles ou obligatoires ! etc.
Le BAC, depuis le temps que l’on en parle aussi ! A quoi sert-il vraiment ? Pourquoi est-il devenu si compliqué avec ses multiples épreuves de langues, son TPE, ses ECE. Les enseignants sont mobilisés par les corrections etc. Les réformes successives y ont mis leur grain de sel au point qu’il soit peut-être devenu la Mer morte.
Alors voilà, c’est tombé au milieu de l’été dernier, le 17 juillet 2018 ont été publiés un décret et 7 arrêtés modifiant le BAC, réorganisant la scolarité des lycéens pour une mise en œuvre à la rentrée 2019 pour les élèves de 3ème entrant en seconde mais aussi pour les élèves actuellement en 2nde et qui entreront en 1ère afin que le nouveau BAC tombe en … 2021 – année des prochaines élections présidentielles- et non en 2022. Il faut hâter le pas et mettre tout en place avant même que la loi régissant le tout ne soit votée.
Flash back…
Nous sommes en 2016. M. Jean-Michel Blanquer, publie un livre « L’école de demain ». A cette époque, il n’est qu’ancien DGESCO c’est-à-dire « Directeur général de l’enseignement scolaire ». C’est lui qui a élaboré la politique éducative et pédagogique et assure la mise en œuvre des programmes d’enseignement des écoles, des collèges, des lycées et des lycées professionnels sous Nicolas Sarkozy.
En 2017, il est nommé Ministre de l’éducation nationale.
Officiellement, le ministère commence par une simple consultation des enseignants. Mais en même temps, il se débarrasse rapidement des consultations et ce sont les mesures du projet Blanquer qui sont adoptées malgré l’opposition unanime du Conseil supérieur de l’éducation, du jamais vu. L’avis des acteurs de terrain est balayé d’un revers de main. Depuis longtemps la Cour des comptes demande à l’éducation nationale de faire des économies …
Plus le choix, il faut regarder de plus près cette réforme.
Le lycée
Aujourd’hui, en fin de 2nde, un élève choisit entre une voie générale ou technologique et il prend un bouquet cohérent avec possiblement une spécialité (par exemple S-SVT). Il existe 3 filières générales (S, ES, L) cohérentes qui sont proposées toutes les 3 dans 95% des lycées (quelques lycées, notamment agricoles, ne proposent pas la filière L).
Nouveau lycée : Les séries seraient supprimées, le lycée est à la carte et les élèves ont moins d’heures de cours au total. Le temps d’enseignement est divisé en 2 : 50% du temps pour un tronc commun et 50 % pour des spécialités (3 spécialités de 4h en 1ère et 2 de 6h en terminale). Avec cette organisation, la notion de classe homogène disparaît, les élèves étant mélangés selon leurs spécialités. Les effectifs des classes montent à 35 de façon générale. Les lycées sont dotés en profs non pas sur la base du nombre de classe de chaque série mais sur la base du nombre de groupe à 35 élèves. Le tronc commun comporte uniquement des humanités à l’exception de 2h d’EPS et 2h d’enseignement scientifique. Il n’y a pas de mathématiques dans le tronc commun.
Qu’est-ce que cela veut dire dans les faits ?
A la fin de la seconde l’élève demandera une 1ère générale puis il choisira ses spécialités. Le conseil de classe ne pourra plus se prononcer sur les spécialités (pourra-t-il suivre dans les spécialités choisis ?) alors qu’avant il se prononçait sur la filière en fonction des caractéristiques de la filière et de l’élève. Par ailleurs l’élève devra choisir 3 spécialités parmi 12. Mais dans la pratique, toutes les combinaisons ne seront pas possibles. Cela serait ingérable pour les proviseurs.
Surtout, toutes les spécialités ne seront pas offertes dans tous les lycées. Jusqu’à présent, si un élève demande une 1ère qui n’est pas présente dans son lycée (ex. S et Sciences de l’ingénieur), il est affecté dans un autre lycée qui offre ça. Dans le futur système, ça ne sera pas possible. L’élève ne pourra prendre que les spécialités présentes dans son lycée, même si ça ne correspond pas à son projet d’études. Il est assigné à résidence. Et même si certaines spécialités sont dites en réseau, il est très difficile – pratiquement et affectivement – d’être élève dans deux lycées, d’autant plus que ces élèves n’occuperont que les places libres s’il y en a.
L’un des buts de la réforme, c’est que les élèves se spécialisent dès la 1ère et que leurs spécialités leur servent à l’orientation post bac. L’idée étant que toutes les formations post bac recrutent des profils déjà spécialisés. Mais que veut dire se spécialiser si tôt ? Un élève de 15-16 ans sait-il déjà précisément ce qu’il veut faire ? N’a-t-il pas le droit d’hésiter et de se réorienter ? Par ailleurs, pourquoi supprimer une spécialité en terminale en passant de 3 à 2 spécialité ? Rappelez-vous … la cours des comptes …
Un autre des buts de la réforme était de rééquilibrer les filières. Or, Il n’y a pas de math dans le tronc commun et Physique/chimie et SVT sont réduits à 2h par semaine. La seule façon d’avoir un bac équilibré c’est de prendre des spécialités scientifiques. Le niveau de math de spécialité sera tel que des élèves un peu faibles et/ou peu motivés ne pourront pas suivre. Ils se fermeront alors de nombreuses portes dans le supérieur.
Des classes à 35 : le nombre d’heures d’enseignement allouées à chaque établissement est établi en fonction du nombre de classes à 35 élèves. Chaque établissement a une petite marge de manœuvre. Cette marge de manœuvre doit permettre de faire des groupes de langue ou de sciences et des heures en demi classe et d’organiser des options (latin, LV3, arts plastiques…). Mais la marge est faible et l’objectif est que la majorité des cours soit par groupes de 35 élèves ce qui n’est pas adapté à un public scolaire de plus en plus fragile mais tout à fait adapté à la demande de la Cour des comptes …
Enfin pour les élèves de seconde de cette année qui entrent en 1ère il va y avoir un problème spécifique. Les programmes changeant en même temps en seconde et en 1ère il va leur manquer à leur arrivée en 1ère les connaissances des nouveaux programmes de 2nde pour passer leur Bac … à la fin de l’année de 1ère. Cela sera cruel en Français dont le programme du bac change radicalement et pour lequel ces élèves n’auront qu’un an au lieu de deux pour se préparer.
Le BAC
Aujourd’hui, les élèves passent l’écrit et l’oral de français en fin de 1ère (ainsi qu’un TPE pour les élèves de la filière générale) puis des épreuves écrites nombreuses en juin plus des épreuves de langues. Ils ont deux années pleines (1ère et terminale) pour progresser et atteindre le niveau qui est certifié par le bac. Les copies sont anonymes et corrigées par des professeurs d’autres lycées sur des sujets nationaux et selon des grilles nationales. Le BAC est donc National. Il est nécessaire à l’entrée dans le supérieur.
Dans le nouveau bac, le contrôle continue compterait pour 40% dans la note du BAC. Il ne reste plus que 4 épreuves terminales, 2 de français en 1ère (écrit et oral) plus 1 épreuve de philo en juin de la terminale selon des modalités classiques et un oral. Le reste sera passé « en cours de formation » c’est à dire que les élèves seront évalués par leurs propres professeurs en cours d’année sans être anonyme selon des barèmes à discuter dans l’établissement et non pas nationalement. Actuellement, l’épreuve dite d’oral se passerait selon les mêmes modalités que les écrits sur une des deux spécialités de terminale. Les profs devront corriger les copies de l’évaluation en cours de formation tout en faisant cours. Toutes les notes obtenues lors des épreuves passées en cours de formation sont intégrées à Parcoursup et servent donc à la sélection des élèves pour l’entrée dans le supérieur.
Qu’est-ce que cela veut dire dans les faits ?
C’est la porte ouverte à toutes les pressions sur les notes et à tous les bacs maison. Les corrections des épreuves en cours de formation ne seront pas nationalement encadrées, les sujets ne seront pas les mêmes pour tous sans copies anonymes corrigés par les enseignants des élèves. Le Bac ne sera donc plus national mais local ce qui influencera l’entrée dans le supérieur.
Les épreuves passées en cours de formation seront en fait beaucoup plus nombreuses ce qui perturbera beaucoup plus le travail des élèves des 3 niveaux car il faudra banaliser des plages d’examens et pour tous les niveaux.
Les élèves seront en permanence en examen donc sous pression permanente. Cela contribuera-t-il à solutionner le problème de stress des élèves français, qui sont des champions dans ce domaine dans toutes les études internationales ?
Les épreuves de terminale interviendront très tôt, en mars ou avril, ce qui fait que l’année sera extrêmement raccourcie et donc le temps d’apprentissage raccourci de facto sauf pour la philo qui devrait se passer un juin. Que feront les élèves de fin avril à juin ? Uniquement de la philo ? Il y a quelques années, l’éducation nationale est allée à la reconquête du mois de juin, sera-ce toujours le cas ?
Les élèves plus lents ayant besoin de plus de temps pour assimiler les contenus d’apprentissage se verront pénalisés car au lieu d’avoir 2 ans pour être prêts pour le bac, ils seront évalués en cours d’année sans avoir le temps de recul qui peut leur être nécessaire.
Il y a bien d’autres choses à dire et vous pourrez continuer à réfléchir pour agir avec les liens proposés ci-dessous.
Bonne lecture !
Pour en savoir plus :
https://www.fcpe.asso.fr/sites/default/files/ressources/LyceeGT2021FCPE.pdf
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/07/13072018Article636671057695214003.aspx
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/03/11032019Article636878872313563017.aspx